Un lieu de vie parisien et contemporain. Une grandeur historique. À deux pas des grands magasins, l'art de recevoir, l'élégance et l'intimité cohabitent dans cet hôtel 5 étoiles à Paris, sublimé par la sensibilité créative de l'architecte d'intérieur Tristan Auer. À ses côtés, nous sommes revenus sur la renaissance d'une icône haussmannienne, mais aussi sur sa vision du luxe et du design.
Du voyageur à l'architecte d'intérieur
Lorsque vous séjournez dans un hôtel, qu’est-ce qui vous touche ou vous marque en premier ?
Tristan Auer : Je suis un créateur d’émotions et de récits, à l'instar de Sofitel. Un hôtel, c’est une usine à rêves. Et ces rêves doivent commencer dès qu’on pousse la porte d'entrée. Les voyageurs n’ont plus envie de produits de luxe, ils ont envie de moments de luxe. Ils viennent chercher un moment immersif, un souvenir, un partage, une construction de mémoire. Aujourd’hui, les hôtels qui ont le plus de légitimité sont ceux qui savent offrir cela.
Si le lit est l’endroit où l'on rêve, la chambre est-elle l’espace le plus important d'un hôtel ?
Tristan Auer : Non, c’est réducteur. Je vois l’hôtellerie comme une succession de séquences. Il y a l’entrée, qui donne le ton. La réception, qui doit presque se faire oublier. Les parties communes, qui sont comme une scène de théâtre où l’on joue son rôle. Et enfin, la chambre, l’intime, où je suis en chaussons et en peignoir, tranquille, inatteignable. Un séjour dans un hôtel est une composition de moments, d’intensités différentes, de tailles variées, de lumières changeantes, d’ambiances diverses. C’est une vraie expérience, même si le mot est aujourd'hui galvaudé.
« En réalité, on vient dans un hôtel non pas pour être comme chez soi, mais pour vivre quelque chose de plus fort, pour être emporté. »
Le luxe, c’est donc plus de l’expérientiel que du grandiose ? Ce n’est plus la démesure, mais l’immersion ?
Tristan Auer : Pour moi, le luxe a toujours été le sur-mesure. Quelque chose de fait pour soi. Moins de choses, mais mieux pensées, mieux achetées. L’expérientiel, c’est quand les marques sont vraiment au service de leurs clients. Dans un hôtel, on doit pouvoir faire ce qu’on veut, quand on veut et où on veut.
Les voyageurs veulent apprendre. Ils sont cultivés et éduqués, bien plus qu’avant. Ils savent faire la différence entre un bon et un mauvais design d’intérieur. Ils passent leur temps sur Pinterest, ils ont tout vu. On ne peut plus les bluffer. Par conséquent, ils viennent apprendre quelque chose d’un lieu. C’est ce qu’on a fait avec l’hôtel Sofitel Le Scribe Paris Opéra. Il fallait raconter pourquoi il est là, son histoire.
« Il y avait tellement à dire qu’on a dû s’auto-restreindre ».
Dans les coulisses d’un hôtel design à Paris : le Sofitel Le Scribe Paris Opéra
Vous souvenez-vous des traits de caractère du Sofitel Le Scribe qui vous ont marqué ou interpellé ?
Tristan Auer : J’ai une très mauvaise mémoire, mais ça, je m’en souviendrai toujours. C’est un lieu très particulier, notamment parce qu’il a abrité le tout premier Jockey Club. Il y avait quelque chose de très masculin, d’institutionnel : la cravate, le bois, le cigare… J’ai gardé tout cela, je l’ai même renforcé. Et en même temps, j’y ai introduit une autre image pour conserver de l’équilibre : celle d’une très belle femme, rousse, aux cheveux ondulants, avec une robe fluide.
« Il ne s’agit pas de perdre la substance du lieu, mais au contraire de la concentrer, de l’assumer, tout en jouant sur les contrastes. »
Le Scribe, c’était un lieu à la fois secret, retranché, introverti. Mais aussi un hôtel historique à Paris fondé sur l’image, au sens propre : c’est là que le tout premier film commercial a été projeté par les frères Lumière. Pendant la guerre, il a joué un rôle central dans la propagande, que ce soit d’un côté ou de l’autre. C’est également le premier immeuble à avoir été entièrement recouvert par une publicité, pour Bébé Cadum. Il y avait aussi un lien avec la Compagnie des Wagons-Lits et avec la toute première boutique Louis Vuitton au monde.
Imaginez la richesse de ces histoires… L’idée, c’est d’en distiller des fragments de manière très discrète. S’il était hors de question de placarder des portraits des frères Lumière ou de représenter un train arrivant à quai, j’ai préféré semer des indices, comme dans une enquête policière. Des détails et des évidences qui donnent envie de revenir, encore et encore, pour en découvrir un peu plus à chaque fois.
Comment l'art de vivre français, fidèle à l’univers Sofitel, s’est-il incarné dans votre projet ?
Tristan Auer : Les voyageurs internationaux sont encore fascinés de voir comment les Français évoluent dans leurs espaces. Ce n’est pas seulement la beauté des musées ou des bâtiments, c’est aussi le raffinement, cette manière de vivre et de recevoir. C’est le bar qui vous accueille avec un sourire, un cocktail, une attitude généreuse. C’est le café et les pâtisseries du Scribe & Cie qui apportent de la chaleur et un parfum qui se diffuse. C’est la proximité de l’Opéra et des Grands Boulevards qui infusent dans l’atmosphère. C’est cette idée du grand salon, du grand hôtel.
« Séjourner au Scribe, c'est apprendre des usages, trouver le juste équilibre entre exposition et intimité. »
BAR - RIVAGES
Où Paris rayonne
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Qu'aimeriez-vous que les gens ressentent en découvrant l'hôtel pour la première fois ?
Tristan Auer : Ce que nous avons voulu transmettre. Des codes classiques, familiers pour les Parisiens, mais exotiques pour les autres : les moulures, les textures, une palette de couleurs aux accents inattendus. On a voulu que tout ait du sens, que ce soit juste. Dans les salles de bain, par exemple, on a préféré un carrelage type 19ᵉ plutôt que du marbre qui aurait été anachronique. Si vous allez à l’hôtel particulier Nissim de Camondo, vous verrez que tout y est en carrelage, avec un motif raffiné. On s’en est inspiré. C’est cette justesse historique qui permet de rester fidèle à l’esprit du lieu, sans se laisser influencer par des tendances.
On sent que la notion de mode peut vous agacer. Peut-être parce qu’elle conduit à uniformiser le design ?
Tristan Auer : La mode est totalement irresponsable. Ce qu’on fait aujourd’hui pour être à la mode sera démodé dans quatre ans, et il faudra tout recommencer. On ne peut pas faire du fast design comme on a fait de la fast fashion. C’est tout aussi destructeur. Des marques françaises installées, solides et sérieuses comme Sofitel, ont un rôle à jouer : elles doivent affirmer une autre vision.
Les clés du design d’intérieur par Tristan Auer
Quand vous concevez un hôtel, à quoi accordez-vous de l’importance ? L’environnement, l’histoire du lieu, autre chose ?
Tristan Auer : Àla magie de l’inattendu, aux choses qui ne s’annoncent pas mais qui se laissent découvrir. C’est le mystère. Ce sont tous ces petits riens qui ont une vraie importance. C’est le lieu, sa personnalité, ce qu’il a à dire. Il faut être curieux, ouvert, aller chercher les choses, soulever les tapis, regarder derrière les rideaux. Il ne s’agit pas de raconter une histoire pour raconter une histoire, mais d’enrichir un lieu pour le conserver, le perpétuer, le renforcer et l’embellir, dans tous les sens du terme.
Pensez-vous avant tout au plaisir du voyageur, à son expérience actuelle, ou cherchez-vous à anticiper ses aspirations futures ?
Tristan Auer : L’hôtellerie des années 2000 n’a rien à voir avec celle de 2025. De nouvelles composantes techniques sont arrivées. On ne travaille plus de la même manière. Il y a une porosité bien plus grande entre la sphère personnelle et la sphère professionnelle.
« Avoir cinq ans d’avance sur les aspirations des voyageurs, c’est déjà avoir dix ans de retard. »
Dans un hôtel, on fait l’amour, on rit, on fête un anniversaire, on travaille. Il n’y a plus ce grand bureau statutaire qu’on retrouvait avant, réservé au businessman. Aujourd’hui, c’est un canapé, une table à la bonne hauteur : on y prend son petit déjeuner, on y pose son laptop. On passe aussi beaucoup plus de temps dans les parties communes. Tout a changé. On se dirige vers quelque chose de plus en plus ancré dans l’esprit d’une destination, qui lui fait écho et la prolonge. Même quand on voyage pour le travail, on cherche à vivre la ville, à ressentir son énergie.
Comment le design sert-il l’immersion ?
Tristan Auer : Il faut être attentif. Il n’y a pas de formule toute faite. Un hôtel à Shanghai, au Moyen-Orient ou à Paris, ce ne sera jamais la même chose. Tout change à chaque fois : la culture, l’âge des clients, la taille de l’hôtel, sa catégorie… La création naît toujours des contraintes. Ce ne sont pas des limites, ce sont des déclencheurs de créativité, d’intelligence. Aujourd’hui, il est presque trop facile de faire un hôtel. Avec deux clics, on peut concevoir une chambre sur ordinateur. Ce qui fait la différence, c’est d’aller au bout des choses. Une marque qui vous confie son projet, ce n’est pas juste pour poster un joli visuel sur Instagram.
Est-ce aussi ce qui a contribué à la notoriété de Sofitel ?
Tristan Auer : Sofitel est une marque adulte, responsable, forte d’une grande expérience. Elle accompagne les voyageurs vers quelque chose de véritablement intemporel, mais surtout, vers une forme de maturité. Et dans un contexte de frénésie hôtelière, cette maturité est une vraie vertu.